Notaire en costume dans son bureau élégant

Notaire : peut-il demander mise sous tutelle par un juge ?

8 novembre 2025

Un notaire n’a pas le pouvoir de tout, mais il détient parfois la clé qui déclenche l’irréversible. Lorsqu’un adulte s’expose sans le savoir à des risques juridiques ou patrimoniaux, la loi ouvre la porte à la protection. Qui peut la franchir ? Et jusqu’où le notaire peut-il intervenir ? Voici ce que prévoient les textes, et comment s’articulent les rôles de chacun.

La mise sous tutelle s’inscrit dans l’éventail de la protection juridique conçue pour soutenir les adultes dont l’état de santé physique ou psychique ne leur permet plus de défendre seuls leurs intérêts. Cette procédure se déroule devant le juge des contentieux de la protection, qui s’appuie sur l’avis d’un médecin expert. Ce dernier évalue précisément l’altération des facultés, la durée de la situation et le niveau d’autonomie, puis rédige un rapport à destination du magistrat.

La demande d’ouverture de tutelle ne se limite pas au cercle familial. Un proche, un professionnel de santé ou un service social a aussi la possibilité de saisir le juge. Dans tous les cas, l’objectif demeure : offrir au majeur protégé un accompagnement adapté, sans excès ni carence. Le tuteur, désigné par le juge, doit agir avec loyauté et, dès que possible, en lien avec l’entourage.

Différentes formes de protection juridique existent pour les majeurs en situation de vulnérabilité. Trois principales solutions sont employées :

  • Sauvegarde de justice
  • Curatelle
  • Habilitation familiale

Parmi elles, la tutelle constitue la procédure la plus restrictive. Son prononcé dépend du niveau d’autonomie de la personne, sur la base des certificats médicaux et de l’enquête sociale. L’enjeu est clair : préserver autant que possible l’autonomie du majeur protégé en empêchant les abus, tout en évitant les défaillances dans la gestion de son patrimoine et de ses droits civils. L’ensemble du processus répond à un encadrement strict du code civil.

Tutelle ou curatelle : quelles différences pour la personne concernée et ses proches ?

Si la tutelle et la curatelle partagent l’idée de protéger, elles séparent clairement les rôles dans la vie du majeur protégé. Sous tutelle, la personne est représentée pour la quasi-totalité des actes civils : gestion de comptes bancaires, contrats, démarches administratives. Pour certains actes majeurs, comme la vente d’un bien ou une donation, le tuteur doit parfois obtenir l’accord du juge. Le majeur conserve cependant la main sur les décisions qui relèvent strictement de sa personne, par exemple le choix du lieu de vie.

La curatelle vise des personnes dont l’autonomie reste partiellement préservée. Ici, le curateur n’agit pas à la place du majeur ; il l’accompagne dans les démarches les plus engageantes, comme l’ouverture d’un compte ou l’acquisition d’un bien. Le quotidien reste du ressort de la personne elle-même.

Du côté des proches, la législation favorise, quand les conditions s’y prêtent, la désignation d’un membre de la famille en qualité de tuteur ou de curateur. Si personne ne peut ou ne souhaite remplir cette mission, un professionnel, le mandataire judiciaire, prend le relais sous le contrôle du magistrat.

Tutelle Curatelle
Rôle du représentant Représente Assiste
Autonomie de la personne Faible Partielle
Actes de la vie civile Le tuteur décide Le majeur agit avec le curateur

L’engagement des proches dans la démarche crée une dynamique de confiance. Quand cette implication existe, la personne protégée traverse ces moments avec plus de sérénité. Le juge s’assure que la personne choisie a la capacité d’assumer la charge et peut, si nécessaire, instituer un conseil de famille pour superviser la gestion de la mesure.

Tutelle ou curatelle : rôle, limites et intervention du juge

Dans la mécanique de la protection juridique, le notaire intervient en veilleur avisé. Régulièrement, il est le premier à percevoir la fragilité lors d’une succession, d’un projet de donation ou d’un acte immobilier. Pourtant, la loi limite clairement son action : il ne peut pas lui-même saisir le juge des contentieux de la protection. Cette initiative revient au majeur concerné, à son entourage, à un médecin ou aux services sociaux.

Confronté à une situation préoccupante, le notaire explique les démarches à envisager, détaille les différentes mesures possibles et insiste sur la nécessité de solliciter un certificat médical afin d’étayer la procédure. Il attire l’attention sur les répercussions d’une mise sous tutelle : gestion des biens, signature d’actes, validité du testament… Tout est traité avec rigueur pour éviter les écueils.

Une fois la mesure de protection décidée, le notaire vient en appui pour dresser un inventaire des biens, épauler le tuteur dans ses démarches ou rédiger les actes nécessitant une autorisation du juge, vente immobilière, donation, modification testamentaire. Chaque intervention s’effectue sous le regard attentif du magistrat.

En résumé, le notaire endosse son rôle de conseil et de technicien du droit, sans jamais enclencher la procédure lui-même. Le lancement de la demande de tutelle appartient au cercle proche du majeur ou au médecin, jamais au notaire. Quant à la décision, elle reste l’apanage du juge des contentieux de la protection.

Femme âgée parlant avec un notaire dans un bureau moderne

Étapes clés et droits à connaître lors de la mise sous tutelle d’un proche

La mise sous tutelle suit une succession d’étapes bien établies, toutes placées sous la responsabilité du juge des contentieux de la protection. Tout commence par le dépôt d’une requête, accompagnée d’un certificat médical circonstancié, rédigé par un médecin expert. Ce document prouve que la personne ne peut plus gérer seule ses affaires.

Après avoir examiné le dossier, le juge désigne comme tuteur, sauf empêchement, un membre de la famille. Si aucun proche n’est disponible ou apte à la tâche, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs prend la suite. Pour renforcer la surveillance et prévenir tout abus, le juge peut nommer un subrogé tuteur. Il arrive aussi qu’un conseil de famille soit institué pour surveiller la gestion ou arbitrer les décisions les plus difficiles.

Pour avoir une vue claire sur le rôle des uns et des autres, voici les différents intervenants lors d’une mise sous tutelle et leurs missions principales :

  • Le tuteur administre les biens et agit dans l’intérêt du majeur protégé pour tous les actes civils.
  • Le subrogé tuteur surveille la gestion du tuteur principal et intervient en cas de conflit ou de difficulté.
  • Le conseil de famille, lorsqu’il existe, statue sur les décisions majeures et s’assure du respect des intérêts du protégé.

La tutelle prend fin au décès de la personne protégée. Les héritiers, s’ils existent, reprennent la gestion du patrimoine. Si la succession reste sans héritier, elle est alors confiée à l’État, via le Domaine. Lorsqu’aucun membre de la famille n’est présent pour organiser les obsèques ou que les ressources manquent, la commune prend le relais. Par ailleurs, des dispositifs comme la téléassistance contribuent à maintenir un minimum d’autonomie et une sécurité même lorsque la fragilité s’impose.

Protéger n’est pas qu’un mot ni une procédure mais la réponse concrète à la vulnérabilité. Ce qui se joue, c’est la frontière fine entre solitude subie et dignité retrouvée. Entre toute-puissance et abandon, la société se donne les moyens de veiller, pour que chacun traverse la fragilité sans jamais s’y perdre.

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