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Qui peut faire un inventaire dans une succession ?

Qui peut faire un inventaire dans une succession ?

L’inventaire, obligatoire pour toute succession ouverte au Québec, est au cœur du processus de liquidation. Voici les grands principes. La loi prévoit qu’il s’agit d’une tâche à accomplir par le liquidateur et oblige, à titre subsidiaire, les héritiers à surveiller et, si nécessaire, à intervenir à cet égard.

Quels sont alors les différents avantages, selon que l’inventaire est produit ou non ?

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Tout d’abord, l’inventaire doit respecter l’une des règles prescrites par la loi : il doit prendre la forme d’un acte notarié en quelques minutes, ou être produit sous signature privée devant deux témoins. Dans ce dernier cas, le liquidateur et les témoins le signent et indiquent la date et le lieu où il a été fait. Toutefois, si le testateur a expressément prévu un formulaire particulier dans son testament, celui-ci doit être respecté par le liquidateur.

L’inventaire sert avant tout à témoigner du contenu de la succession (actif et passif) et à l’estimer, y compris, le cas échéant, les demandes résultant de la dissolution du patrimoine familial et du régime matrimonial, l’allocation compensatoire qui peut être due au conjoint survivant et les créances fiscales. Le contenu de l’inventaire doit refléter le plus fidèlement possible la valeur du patrimoine du défunt au moment du décès, et devrait se terminer par un résumé de l’actif et du passif.

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Une exception a été faite pour l’enregistrement des effets personnels du défunt. Dans ce cas, il suffit de les mentionner généralement dans l’inventaire et d’énumérer ou de décrire les vêtements, papiers personnels, bijoux ou objets d’usage courant dont la valeur pour chacun dépasse cent dollars. L’article 1328 du Code civil du Québec (C.c.Q.), qui traite de cette affaire, vise bien entendu à ne pas rendre l’exercice trop fastidieux ou trop onéreux. Pouvons-nous toutefois nous interroger sur la limite de 100$ par article, qui est actuellement rapidement atteinte.

La loi prévoit également : des règles spéciales, sinon simplifiées, pour la description de certaines universalités de la propriété, telles que la catégorie des biens mobiliers. Il est indiqué au paragraphe 1326 (1) du C.c.Q., qu’il suffit que cette universalité soit suffisamment précisée, et donc facilement déterminable.

La jurisprudence a reconnu que l’absence d’inventaire ne pouvait être invoquée par aucun débiteur du défunt, et que l’enregistrement d’une créance au titre de passifs constitue une reconnaissance de dettes de la part de la succession.

Une fois l’inventaire terminé, un avis de fermeture doit être publié dans le Registre des droits personnels et immobiliers mobiliers (RDPRM) en enregistrant un avis indiquant le nom du défunt et en précisant le lieu où l’inventaire peut être consulté par les parties intéressées (par exemple le créancier d’une dette). Cet avis est également publié dans un journal diffusé dans la localité de la dernière adresse connue du défunt. Il est important de noter que ce n’est pas le le contenu de l’inventaire qui sera publié, mais l’endroit où il peut être consulté.

L’article 796 du C.c.Q. prévoit que le liquidateur doit informer les héritiers, les successeurs qui n’ont pas encore opté et les légataires particuliers, ainsi que les créanciers connus, de l’enregistrement de l’avis de fermeture et du lieu où l’inventaire peut être consulté. Si cela peut être fait facilement, il leur envoie une copie de l’inventaire.

Ce faisant, elle permettra aux successeurs de déterminer si la succession est solvable ou non, et donc d’accepter la succession ou d’y renoncer sur la base d’un choix éclairé. Toute personne intéressée peut contester l’inventaire ou l’une de ses participations et même demander qu’un nouvel inventaire soit produit.

L’inventaire facilitera la tâche du liquidateur par la suite, puisque le document lui servira de point de départ lorsqu’il donnera son compte final aux héritiers. Ce dernier sera en mesure de juger de l’administration effectuée par le liquidateur.

La loi ne prévoit aucun délai précis pour l’établissement de l’inventaire. Cependant, le liquidateur dispose indirectement de six mois à compter de la date du décès, car c’est ce délai que les successeurs doivent accepter ou renoncer à la succession. Ce délai sera toutefois prolongé d’autant de jours que nécessaire afin que les successeurs disposent de soixante jours à compter de la clôture de l’inventaire, pour opter.

Le testateur ne peut pas exempter le liquidateur de faire un inventaire en vertu du testament. Une telle clause serait considérée comme nulle puisqu’il s’agit d’un acte nécessaire à la liquidation et à la protection des droits des créanciers et des héritiers. En revanche, les héritiers majeurs et aptes peuvent exempter le liquidateur de l’établissement d’un inventaire si la succession s’avère manifestement solvable. Le principal effet d’une telle instruction est l’acceptation de la succession par les successeurs qui n’ont pas encore fait leur choix.

Deuxièmement, et ce n’est pas le moins important, ils seront tenus d’honorer les dettes du la succession, et ce, au-delà de la valeur des biens qu’ils peuvent percevoir sur le patrimoine du défunt. Plus clairement, ils peuvent avoir à payer une partie des dettes du défunt sur leurs biens personnels, si nécessaire. La production d’un inventaire est si importante que le législateur a prévu, à l’article 800 du C.c.Q., que les héritiers — sachant que le liquidateur refuse ou néglige de faire l’inventaire, et se négligeant, dans les soixante jours suivant l’expiration du délai de six mois, de procéder au l’inventaire, soit pour demander au tribunal de remplacer le liquidateur, soit pour ordonner au liquidateur d’effectuer l’inventaire, sera personnellement tenu de payer les dettes de la succession, si la succession s’avère insolvable.

L’ héritier qui s’approprie les biens ou certains biens du défunt court également le risque d’avoir à assumer les dettes de la succession. Dans ce dernier cas, il est important de faire une distinction selon que l’appropriation des actifs prend lieu avant ou après l’établissement de l’inventaire. Si l’inventaire n’était pas encore terminé au moment de l’appropriation, l’héritier sera tenu d’assumer toutes les dettes de la succession sur ses biens personnels. En revanche, si l’appropriation a eu lieu après la production de l’inventaire mais avant la fin de la liquidation, il devra personnellement rembourser les dettes jusqu’à concurrence de la valeur des actifs ainsi affectés.

Dans certaines circonstances, la production d’un inventaire sera requise dès le départ : si, parmi les héritiers, il y a des mineurs ou des adultes protégés ; si la solvabilité de la succession est incertaine (donc pas manifestement solvable) ; ou si d’éventuels litiges entre héritiers sont à prévoir.

Bref, il est fortement recommandé de suivre le processus prévu dans le C.c.Q., de procéder à la rédaction de l’inventaire dans l’un des deux formulaires prescrits et de publier l’avis de fermeture. Il suffit de penser aux implications fiscales parfois inattendues sur l’heure du décès, les poursuites non réglées ou les dettes surprises qui peuvent apparaître. Autant de bonnes raisons de rester prudent !

Sophie Ducharme, notaire, pl. Fin., vice-président, Services fiduciaires et conseils, Private Wealth 1859, National Bank Trust.

Cet article est tiré de l’édition de février du magazine Advise.

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